Alcool, Tabac et cancer du sein : trop de femmes ignorent le lien
Dans l’esprit commun, les liens entre le tabac et le cancer du poumon ou entre l’alcool et la cirrhose sont massivement connus et généralement admis. Ce n’est malheureusement pas le cas pour le lien entre alcool et cancer du sein, un facteur de risque souvent méconnu ou négligé, et pourtant bien réel.
Afin de sensibiliser les femmes à ce risque, une étude australienne a cherché à questionner les raisons du flou qui entoure la corrélation entre cancer et consommation d’alcool.
L’alcool : une substance cancérigène
On connaît depuis longtemps le caractère néfaste de l’alcool sur la santé, et plus particulièrement sur le foie.
Cependant, beaucoup ignorent encore que l’alcool est identifié par le CIRC (Centre International de la Recherche contre le Cancer) comme un cancérigène avéré, et ce depuis 1988. Cette caractéristique vient du fait que l’alcool, une fois filtré par le foie, se transforme en acétaldéhyde, une substance venant perturber l’ADN et détériorer les chromosomes.
Les brins d’ADN ainsi endommagés risquent d’engendrer des lésions cancéreuses, pouvant atteindre différents organes du corps, dont le sein. Si ce type de détérioration survient même en cas de consommation modérée d’alcool, les excès entraînent aussi d’autres sortes de troubles pouvant provoquer des réactions inflammatoires qui, surtout lorsqu’elles sont répétées, créent un environnement propice au développement de cancers.
Ces mécanismes, encore peu connus du grand public, sont pourtant déjà parfaitement identifiés par la sphère scientifique. Tout le monde le sait, l’alcool n’est pas très bon pour la santé, malheureusement, les données publiées par les scientifiques ne font que le confirmer, notamment en matière de cancer. Globalement, en France, l’alcool est responsable de 9,5 des décès par cancer, soit 16 000 décès par an, c’est ainsi la 2nde cause de cancer dans notre pays, après le tabac.
L’alcool induit la survenue de cancers du sein (8 000 par an sur 55 000 nouveaux cancer du sein par an) du côlon, des cancers ORL, de l’oesophage, du foie et de l’estomac. Au total, la consommation d’alcool, même faible, est responsable en tout de 28 000 nouveaux cancers par an en France.
Tous les alcools sont incriminés, car l’éthanol, contenu dans les boissons alcoolisés est converti en acétaldéhyde, substance classée comme un cancérigène avéré (groupe 1 du CIRC).
Contrairement à ce qu’on aurait pu espérer, l’effet cancérigène de l’alcool dépend de la quantité d’alcool ingérée et non du type de boisson : 1 verre de vin aura de ce point de vue le même effet qu’un verre d’alcool fort.
En France, en 2005, 86,9% des hommes et 84,5% des femmes de 12 ans et plus buvaient de l’alcool, en consommant en moyenne 32,6 g/j et 12,3 g/j d’alcool respectivement.
Ainsi, 2 000 nouveaux cas pourraient être évités par une baisse simplement de 10% de la consommation.
Par contre la lutte contre le surpoids et l’activité physique ont un effet démontré pour prévenir un bon nombre de cancers (dont la cancer du sein) : pratiquer une activité physique (intense) diminue de 30% le risque de survenue du cancer du sein, et jusqu’à 50% le risque de récidive.
Pour l’alcool, l’inquiétude est d’autant plus grande que la consommation d’alcool commencerait tôt dans la vie, exposant davantage les jeunes femmes à un risque de cancer du sein ultérieur.
En 2017, Santé Publique France et l’INCa (Institut National du Cancer) ont publié un rapport d’experts actualisant les repères de consommation d’alcool : ne pas dépasser deux verres par jour avec au moins deux jours par semaine sans consommation d’alcool.
Méconnaissance ou déni des effets de l’alcool?
La méconnaissance quant aux effets de l’alcool sur le cancer du sein peut s’expliquer par une absence de communication de la part des institutions de santé publique sur ce sujet. Ces défauts de communication sont parfaitement illustrés par la nouvelle campagne de prévention lancée par Santé Publique France en mars 2019 visant à informer le grand public sur les dangers de l’alcool, qui ne fait qu’évoquer la question du cancer, pourtant majeure.
Selon une étude australienne, la responsabilité des acteurs de l’industrie de l’alcool serait aussi en cause. Ceux-ci communiquent en effet plus largement sur les bienfaits – minimes – d’un verre de vin par jour sur le système cardiovasculaire, plutôt que sur la corrélation établie entre la consommation quotidienne d’alcool et cancer du sein, même à petite dose.
Une étude britannique vient conforter cette théorie, démontrant que moins de 20% de 205 femmes interrogées dans le cadre d’une étude sur le sujet avaient connaissance du lien existant entre l’alcool et le cancer du sein. Pour autant, le panel interrogé a déclaré qu’une campagne de sensibilisation ne leur ferait pas changer leurs habitudes de consommation.
On observe alors, plus qu’une méconnaissance, une sorte de déni quant aux dangers de l’alcool, que l’on retrouve également chez les Français. Selon différentes études d’opinion, ceux-ci estimeraient en effet que l’alcool n’est néfaste qu’au-delà de 3,4 verres par jours, une approximation bien au-dessus de la réalité. Les experts s’accordent en effet à dire qu’un maximum de 10 verres par semaine, répartis avec modération et avec au moins 2 jours sans alcool – soit 2 verres sur 5 jours par semaine – constitue la limite tolérable de consommation pour éviter d’accroître significativement les risques de cancers.
Au sein de la sphère scientifique, la catégorisation de l’alcool comme une substance cancérigène ne fait pas débat, ses mécanismes néfastes sur notre ADN étant bien connus depuis des décennies.
L’alcool est donc bel et bien un facteur prédisposant au cancer du sein, et une consommation régulière augmenterait les risques d’environ 10%. Un chiffre non négligeable, d’autant plus qu’il n’y a pas de seuil minimal permettant de consommer de l’alcool sans risque, contrairement à ce que l’on aimerait penser. Les petits consommateurs encourent donc eux aussi un risque accru de cancer du sein, risque qui s’avère significativement plus élevé quand l’alcool est associé au tabac.
Même lorsqu’il est consommé avec raison, l’alcool demeure un facteur de risque non négligeable du cancer du sein – le deuxième après le tabac: Environ 8% des cas de cancers diagnostiqués en France en 2015 lui étaient attribuables, soit près de 28 000 patients, dont une majorité de cancers du sein.
En effet, on estime à plus de 8 000 les cas de cancers du sein liés à l’alcool par an, contre 6654 pour le cancer colorectal, 5675 pour la cavité buccale et le pharynx et 4355 pour le foie, pour ne citer que les cancers les plus répandus.
Pourtant, l’alcool fait partie des facteurs de risques de cancer du sein évitables, à l’inverse des facteurs héréditaires, génétiques ou morphologiques.
Parmi ces facteurs évitables, on retrouve en premier lieu le tabac, suivi de près par l’alcool, ainsi que l’obésité, les traitements hormonaux, l’inactivité physique et les grossesses tardives ou absences de grossesses.
SOURCES :
- https://bmjopen.bmj.com/content/9/6/e02737 ;
- https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0211293 ;
- https://news.flinders.edu.au/blog/2019/02/14/women-ignoring-cancer-alcohol-risk-study/;
- https://www.cancer.be/les-cancers/risque-d-montr/alcool-et-cancer-boire-avec-mod-ration ;
- https://fqc.qc.ca/images/files/Alcool-et-risque-de-cancer_VF.pdf