Le Tamoxifène – Bénéfices, risques et effets secondaires
L’hormonothérapie par tamoxifène est un des traitements proposés aux patientes touchées par un cancer du sein hormono-sensible. Les bénéfices et risques de ce traitement du cancer du sein sont étudiés au cours d’une Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) avant d’être expliqués aux patientes. Une étude récente s’est penchée sur les processus décisionnels d’administration du tamoxifène, et la perception des patientes face à ce traitement.
Traitement par tamoxifène du cancer du sein : généralités
Tout d’abord voici une vidéo résumant l’intérêt, les bénéfices et modalités du Tamoxifen:
La loi exige que les bénéfices et les risques de chaque traitement soient expliqués aux patients avant toute prise de décision conjointe avec leur équipe médicale. C’est notamment le cas dans le cadre du traitement du cancer du sein. Pour aider les spécialistes du cancer et les patientes, il faut analyser le rapport bénéfice-risque de chaque solution thérapeutique. Ainsi, les avantages et inconvénients sont pris en compte en fonction de chaque type de tumeur et de chaque patiente.
Le tamoxifène fait partie des traitements adjuvants du cancer du sein : on le propose après une chirurgie, une radiothérapie ou une chimiothérapie pour réduire les risques de récidive du cancer en présence d’une tumeur hormono-dépendante.
Ce traitement est généralement prescrit pour une durée de :
- 5 ans chez les femmes non ménopausées ;
- 2 ans chez les femmes en périménopause, relayé ensuite par des antiaromatases.
Il permettrait de réduire de moitié les risques de récidive du cancer, et à 15 ans, de réduire d’un tiers la mortalité. Il s’agit d’un médicament à prendre une fois par jour par voie orale.
Toutefois, il présente de nombreux effets secondaires. Certains sont exceptionnels, comme la survenue d’un cancer de l’endomètre ou d’une thrombose veineuse, d’autres, non potentiellement létaux, sont bien plus fréquents. Tous sont liés à la privation hormonale (suppression de la production d’œstrogènes).
Le tamoxifène est un médicament qui permet de moduler le récepteur aux œstrogènes. Dans le cadre d’un cancer du sein hormono-sensible, il joue un rôle antagoniste de ces hormones dans le tissu mammaire, et agoniste partiel dans d’autres tissus, ce qui peut éclairer sur l’apparition des effets secondaires.
L’administration d’un traitement adjuvant de tamoxifène est soumise à trois aléas :
- il est prescrit à des patientes présentant des risques de récidive ;
- il est partiellement efficace sur la prévention de la rechute ;
- il présente des risques sur la santé à court ou moyen terme.
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Prescription de tamoxifène : les enjeux de l’étude
Les auteurs de l’étude ont observé les procédures standards de prescription du tamoxifène dans des centres de lutte contre le cancer pour comprendre les pratiques et suivi de traitements des patientes. Ils ont aussi cherché à comprendre la perception des patientes vis-à-vis de ce traitement et ses imbrications sociétales (représentation du corps, de la maladie, sentiment de participer aux décisions, etc.) à travers plusieurs prismes : les indications du médicament, son mode d’action, son efficacité, ses effets indésirables, la maladie en elle-même, le suivi patient, etc.
L’analyse retranscrite dans l’article s’est majoritairement basée sur les entretiens et est complétée par les infos recueillies durant les investigations de terrain.
Le tamoxifène : le ratio bénéfice-risque
La majorité des patientes interrogées considèrent cette hormonothérapie comme un traitement préventif d’une rechute du cancer du sein. Cette perception va dans le sens de celle du corps médical, mais est enrichie par la composante « prise d’un traitement », qui offre une perspective rassurante. Pour certaines, cela permet de calmer leur angoisse, de se sentir protégé et de mettre toutes les chances de leur côté pour empêcher le cancer de revenir.
La prise du médicament offre donc une représentation symbolique face à l’idée ancrée dans la société que le cancer est une maladie incurable, et cela transparaît dans les diverses interviews de ces femmes.
Pour celles qui adhèrent au plan de traitement anti-cancer global, il s’agit d’une réflexion générale sur la prise en charge de leur tumeur mammaire. Le tamoxifène fait partie d’un ensemble : le parcours personnalisé de soins, auquel elles ont consenti en début de prise en charge. Dans ces conditions, le médicament n’apparaît pas, à leurs yeux, comme apportant plus de bénéfices qu’un autre traitement inclus dans leur programme de soins.
Cependant, d’autres patientes ont plutôt tendance à hiérarchiser l’importance des différents traitements en se basant sur leur signification symbolique. Ainsi, la chirurgie du sein qui permet de retirer la tumeur est indispensable, et la chimiothérapie adjuvante est nécessaire (puisque dans les représentations sociales, ce traitement permet de soigner le cancer). Chez ces femmes, la prise du tamoxifène revêt une importance moindre face aux autres thérapeutiques, et peut même faire suspecter des bénéfices limités ou une surmédicalisation.
Cela peut s’expliquer par la connotation « hormonale » liée au tamoxifène, car on sait qu’il existe de nombreuses polémiques au sujet des traitements hormonaux (pour la ménopause, pour la contraception, etc.). Ainsi, les scientifiques en déduisent que le tamoxifène est difficilement assimilé comme pourvoyeur d’effets bénéfiques sur la prévention des rechutes.
D’autre part, certaines patientes ont pu expérimenter des avis médicaux contraires quant à l’indication d’un tel traitement, ce qui contribue d’autant plus à l’incertitude devant ses bienfaits réels. En effet, les discours contradictoires des médecins consultés font douter les femmes, et tendent à les rendre plus actives de leur prise en charge de la maladie. Cette composante peut bien entendu être à double tranchant : l’absence de cohérence au sein des discours médicaux peut pousser les femmes à faire leurs proches recherches, avec les dérives que l’on connaît (forum de discussion, partage d’expériences entre patientes, etc.).
Le tamoxifène – effets secondaires du traitement
Le tamoxifène et la privation œstrogénique qu’il provoque entraînent de nombreux effets secondaires indésirables qui peuvent dégrader fortement la qualité de vie des patientes. Ils peuvent avoir des conséquences néfastes sur leur vie professionnelle, sociale ou leur vie sexuelle.
Toutefois, ce vécu n’est pas nécessairement un critère pour refuser d’adhérer au traitement chez certaines femmes. En effet, elles peuvent avoir tendance à minimiser ou banaliser les effets secondaires. Pour d’autres femmes, les effets indésirables du tamoxifène ont une connotation très péjorative. Elles parlent de traitement « ménopausant » ou « vieillissant ».
En règle générale, on estime que l’explication des bénéfices-risques d’un tel traitement suffit aux patientes à prendre leur décision en tout état de cause. Or, bon nombre de femmes interrogées par l’équipe ont exprimé un même sentiment : celui de ne pas avoir le choix quant aux prescriptions médicales. Par cette idée, certaines femmes expriment le fait que face à une maladie potentiellement létale, l’éventualité d’un traitement alternatif n’est même pas envisageable. Chez d’autres, il s’agit d’une impression de ne pas avoir leur mot à dire face à de telles décisions.
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Le tamoxifène – L’évaluation des risques
Les patientes interrogées, porteuses d’un cancer depuis plusieurs mois et suivant leur parcours thérapeutique, peuvent aussi avoir tendance à surestimer les risques de rechute de la maladie et se sentent directement en danger. L’incertitude face à ce risque augmente la perception réelle du risque. Ainsi, face à un « risque faiblement probable », ces patientes comprennent « risque possible ». L’interprétation est faussée par la maladie et les autres traitements subis, qui, on le comprend bien, provoquent un sentiment d’angoisse.
L’hormonothérapie peut alors être vécue comme un dilemme. Les avis divergents glanés au cours de leurs recherches personnelles amplifient ce sentiment d’incertitude.
Les chercheurs expliquent par ailleurs que pour certaines patientes, la prise en compte de l’individualité de chaque personne et de ses ressentis, et la reformulation des infos médicales, sont tout aussi importantes que les informations brutes données par le prescripteur pour estimer le risque à sa juste valeur.
La décision de proposer un traitement hormonal par tamoxifène ne provient pas d’un seul médecin. Il s’agit d’une décision collégiale prise durant une RCP. Cette recommandation tient compte des chiffres de la réduction du taux de rechute.